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Adieu érotisme fantasmé d’un Orient de légende, complaisamment fabriqué, servi réchauffé par des générations d’érotomanes de cabinet. Place à l’obscénité du réel, à la satire brutale des copulations, à la dérision des postures les plus dégradantes, aux vices et à l’interdit.
Épître de la queue et Douze séances salées (l’un persan et l’autre ottoman d’expression arabe) s’inscrivent dans la tradition séculaire du hazl, l’obscénité divertissante. Ils sont inconnus en Europe (et avec eux l’immense corpus auquel ils appartiennent) parce qu’ils choquaient les orientalistes d’alors. Ces prudes philologues occidentaux ne voyaient dans cette pornographie burlesque qu’une perversité au mieux condamnable.
Aujourd’hui, ces obscénités vont enfin sortir de l’ombre.Il s’agit bien de pornographie, genre mineur et grossier, mais de la pornographie comprise comme un des beaux-arts. Ici, l’obscénité est un divertissement de lettré, cultivé, subtil et intertextuel, qui utilise toutes les ressources de la poésie, du pastiche, de la satire, de la charge et du mélange. Évidemment, le vocabulaire est crû, vulgaire ; on ne nous épargne aucun fluide, aucune déjection, aucune perversion. Que ce soit l’Épître de la queue et ses aventures en vers du chevalier Bite, ou les péripéties en prose du narrateur des Séances salées (et salaces), ces deux bijoux indiscrets de la littérature orientale du XIXe siècle cherchent avant tout à divertir : l’obscénité, c’est désigner l’interdit, le montrer et l’utiliser pour provoquer le rire. Ces deux lointains cousins des auteurs de L’Album zutique nous montrent que nous n’avons pas le privilège de l’humour gras, bien au contraire, et que ce que d’aucuns se plaisent à appeler "culture musulmane" n’est ni aussi uniforme, ni aussi islamiste que certains voudraient nous le laisser croire. Oyez donc, braves gens, ce que ces vits racontent : Ces héros de légende, toujours la goutte au nez
Morveux, désespérés, ne cherchent en fin de compte
Que des fesses accueillantes, pour y éternuer. |
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