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Jean-Luc Giribone |
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Méditations carnavalesques est constitué d’une quarantaine de textes courts. Ce n’est ni un recueil de récits, ni la somme des "choses vues" ou vécues d’un journal intime, ni un essai fragmenté sur les "mythologies" du temps présent, ni le cabinet de curiosités d’un contemplatif solitaire, ni le carnet d’expérimentation psychédélique d’un amateur de LSD. Mais c’est un peu tout cela à la fois: une invitation au voyage dans un univers, urbain ou champêtre, toujours légèrement décalé, mouvant, peuplé de mots-clefs, de signes familiers, de postures sociales, de visages spectraux, comme autant de personnages allégoriques échappés des fantasmagories de Lewis Carroll. Le défi premier de ce livre se résume à cela: conjuguer plusieurs écritures a priori inconciliables, celle de l’analyse introspective, de l’approche théorique (sociologique, urbanistique, ou linguistique), de la fable désenchantée, de l’inventaire à la Perec et de la satire swiftienne. Le choix des titres chapeautant chaque texte illustre le fil du rasoir sur lequel l’auteur inscrit sa discrète transgression des genres: "Biographie d’un pronom personnel", "L’escargot de la vie sociale", "Visage de femme sur fond urbain", "Réanimation d’une métaphore moribonde", "L’océan trouvé dans une bouteille", etc.
Ces proses à la fois cliniques, poétiques et ironiques, parviennent à dépasser les clivages convenus entre raison et déraison, esprit de sérieux et mots d’esprit, joute conceptuelle et plaisir de la langue. L’auteur n’hésite pas à mettre en scène ou en doute le "je" qui lui sert de narrateur intermittent – qui rappelle, de loin en loin, un certain Monsieur Plume de Henri Michaux. Bien plus qu’un exercice de style(s) insolite, ce livre s’aventure avec fragilité, humour et délicatesse sur un terrain peu fréquenté parce que miné, ce champ magnétique où littérature et sciences humaines convergent pour mieux court-circuiter nos verbiages, stéréotypes et lieux communs d’aujourd’hui.
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