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Gabrielle Wittkop |
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Ce récit (suivi d’un second texte, Le Puritain passionné) se situe en Inde où Gabrielle Wittkop a vécu. Il s’agit de plusieurs versions d’un même meurtre, de variations sur un seul thème, celui de la mort suspecte d’un homme pathétique, assassiné à Bombay.
Que connaît-on de la mort ? Non pas la Mort symbolique, la Faucheuse au sourire de squelette qui balaie de son arme tranchante les terres fertiles de l’imaginaire. Non, que connaît-on de la mort de quelqu’un, d’un homme qui s’éteint dans une chambre du St. George Hospital, à Bombay ? Que sait-on de la mort de C., de cette mort matérielle et spirituelle qui «par hasard est la sienne» ?
Dans Bombay, «ville sans âme», C. croise sa mort au détour d’une rue, triste conséquence d’une agression qui tourne mal. Aventure presque banale d’un être vivant rejoignant l’éternité. Mais de cet arrachement secret, Gabrielle Wittkop tire la matière d’un récit dont les détours empruntent, le temps d’une dernière fuite, les pas d’un homme qui se sera précipité vers sa fin.
D’une plume aussi fine que le scalpel, elle dissèque le corps de C., fouille dans ce chaos de cellules qui sont autant de pièces d’un puzzle incompréhensible et les arrange indéfiniment. Car la mort de C. n’est qu’une répétition, une suite de décès contradictoires mais véridiques que l’imaginaire fixe en instantanés foudroyants.
Dans cette rue de Bombay que C. s’est choisie comme décor, la lame d’un couteau déchire encore et toujours la peau d’un homme, achève d’un sifflement mat un travail commencé dès l’origine, dès le premier souffle. Car la mort de C. est aussi sa vie, une quête avide de morts et de résurrections qui l’auront conduit à cette scène finale, pour un dernier rôle solitaire.
Saisissant d’un geste la vie de C., toute de dérèglements et d’effervescences, Gabrielle Wittkop rejoue pour nous le drame d’un être lancé vers la mort, ayant au cœur l’espoir d’une usure rapide de la corde qui retient notre machinerie de pantin, et dont la rupture jette les osselets à terre dans un schéma complexe.
Que connaît-on de la mort ? De la mort physique et spirituelle d’un homme à qui était échu le rôle d’y tomber «comme Narcisse dans son image» ? Sombre invitation que le talent de Gabrielle Wittkop transcrit avec une langue précise, assurée, presque brutale dans sa netteté et qu’elle assume jusqu’à ses plus absolues limites, car «la vie et la mort sont unies à jamais», dans un baiser farouche que rien ne rompt. Sombre cheminement d’une destinée qui ne prit son sens que «par la mort, dans la mort», avant l’évanouissement vers d’autres rivages.
Mais la question ou plutôt les questions demeurent sans solution. L’énigme reste intacte, l’énigme que C. aura été, qu’aura été elle-même la mort de C. avec tous ses décès accessoires.
Ténèbres.
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