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Sandrine Soimaud |
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Incarcéré pour trafic de drogues, celui que son avocate appelle Monsieur Aziz livre en de longs monologues l'énoncé d'une vie pathétique puisque programmée pour l'échec. Le jeune détenu parle de sa famille, de l'école, de son père, mais la figure qui domine et le retient encore dans le monde c'est celle de sa mère, une femme humble, rigoureuse et dépassée. En contrepoint de ce flot de paroles, l'avocate, elle, ne peut se déprendre de son mal de vivre, de tout ce qui l'emprisonne et l'a fait souffrir. Leurs deux discours alternent dans À peine perdue sans jamais pouvoir se retrouver. Et paradoxalement c'est lui, celui qu'elle est chargée de défendre, qui saura par un geste radical l'ouvrir aux autres.
Lorsque deux solitudes se croisent, elles n'en fondent qu'une. Plus profonde, plus intense. Leurs verbes monologuent et leurs similitudes les séparent. Lui est enfermé physiquement, elle dans son carcan d'habitudes. Ces deux êtres, comme deux parallèles, se côtoient mais ne se touchent jamais. Ils se parlent sans s'entendre et s'imaginent sans se comprendre. L'univers carcéral, ses rites et ses horaires, dégradant, impose au prisonnier un rythme de vie artificiel dans une routine mortifère. L'avocate, quant à elle, souffre de son statut : sa puissance illusoire la renvoie à l'absurdité de sa vie qui tourne à vide. Chacun solitaire, revit ses chagrins mal avalés, inopinément révélés par l'autre. Leur rencontre, pourtant, sera décisive pour l'un comme pour l'autre. |
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